Élue présidente du Medef Réunion en juin dernier, Katy Hoarau a fait de la formation l’un des cinq piliers de son projet de mandature. Pour Forma Mag, elle décrypte les enjeux d’un secteur clé pour le développement socio-économique de La Réunion et dévoile ses priorités d’action. Interview.
Forma Mag : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le secteur de la formation professionnelle à La Réunion ?
Katy Hoarau : Je tiens tout d’abord à différencier la formation initiale et la formation continue car les défis et objectifs sont différents. En ce qui concerne la formation initiale, l’enjeu est considérable car il s’agit de former les futurs travailleuses et travailleurs réunionnais. C’est pourquoi, au Medef Réunion, nous avons une commission « École Entreprise », dirigée par Asma Ingar, qui a pour but de créer des passerelles entre les entreprises et l’Éducation Nationale. L’objectif est de faire remonter les besoins des chefs d’entreprises mais aussi d’organiser des temps d’échange avec les professeurs et les élèves afin de leur faire découvrir nos métiers et notre univers.
Par ailleurs, je suis très inquiète des conséquences des plans d’économie budgétaire sur le secteur de l’apprentissage. Il y a encore quelques années, il y avait 8 000 apprentis sur l’ensemble du territoire réunionnais. Grâce aux politiques mises en place et au dynamisme des acteurs du secteur à La Réunion, nous avons atteint le palier de 14 000 apprentis. C’était donc 6 000 jeunes de plus en voie d’insertion professionnelle et il est hors de question de revenir en arrière. J’y serai très vigilante.
Et concernant la formation continue ?
Là aussi, l’enjeu est colossal pour La Réunion. Quand j’étais encore Présidente du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables de La Réunion, je me suis battue avec le Ministre des Outre-mer de l’époque, Jean-François Carenco, pour que celle-ci soit territorialisée. Former les salariés, c’est maintenir la compétitivité de nos entreprises et c’est avant tout un choix politique. Nous n’avons pas le même bassin de population qu’en région parisienne et nous avons donc des besoins spécifiques qui nécessitent d’adapter les moyens et les outils.
A mon sens, il y a eu une cassure en 2021, juste après la crise Covid, avec la réforme France Compétences. Elle a mis en grande difficulté les organismes de formations. Les entreprises en ont aussi subi les conséquences en formant beaucoup moins leurs salariés et commencent aujourd’hui seulement à s’adapter. Mais l’équilibre est fragile.
Concrètement, comment comptez-vous agir sur ces sujets au cours de votre mandat ?
La formation est l’un des cinq piliers de mon programme de mandature. C’est pour moi un vecteur essentiel du développement socio-économique de La Réunion. Au sein du Medef Réunion, nous agissons au travers de la commission « École Entreprise » mais aussi la commission « Emploi Formation ».
Chaque secteur d’activité est également à l’initiative de projets adaptés à ses besoins. Je pense par exemple à notre vice-présidente, Katherine Chatel, qui met en place un programme ERASMUS+ pour les Réunionnaises et les Réunionnais qui veulent partir étudier le tourisme à l’étranger afin de se forger une expérience. C’est le genre d’initiative que je soutiens à fond !
Comment accompagnez-vous les organismes de formations adhérents du Medef ?
Nous avons de nombreux organismes de formation parmi nos adhérents et je souhaite que l’on prenne soin d’eux car ils ont la vie dure. Ils sont notamment confrontés, comme beaucoup d’entreprises réunionnaises, à de nombreux irritants qui alourdissent leurs process et compliquent leur activité au quotidien. Par exemple, je ne peux pas entendre que certains organismes de formation aient totalement renoncé à répondre aux marchés publics. C’est inacceptable ! Nous devons remettre de la simplicité, de l’accessibilité et réduire la temporalité.
Comment expliquez-vous un taux de chômage élevé et les difficultés à recruter de certains chefs d’entreprise ?
Là encore, c’est une question de temporalité. L’offre et la demande ne se rencontrent pas car elles n’ont pas la même temporalité. Quand un chef d’entreprise cherche de la main d’œuvre et une compétence, il en a besoin immédiatement et ne trouve pas forcément le profil requis. Inversement, quand un jeune termine son cursus, il a besoin de travailler tout de suite alors que ses compétences ne sont peut-être pas recherchées.
C’est pourquoi il faut mieux anticiper les besoins, surtout dans un monde qui évolue aussi vite. Je propose pour cela que l’on ne raisonne pas en termes de « métiers en tension » mais de « bassin d’emploi » en s’appuyant sur des données concrètes et actualisées afin d’avoir une offre de formation adaptée aux besoins du moment.
Je vais vous citer un exemple. Lorsque j’étais à l’Ordre des Experts-Comptables de La Réunion nous cherchions désespérément des profils de comptables. Nous nous sommes rapprochés de France Travail en leur demandant de simplement chercher dans leur base de données des personnes n’ayant pas forcément le diplôme mais le profil et une appétence pour ce métier. De notre côté, nous nous sommes chargés de former ces personnes dans nos entreprises. Cela a été un succès et la grande majorité travaille encore comme comptable.
Les chefs d’entreprise ont-ils également des besoins de formation ?
Les chefs d’entreprise se forment tout au long de leur vie mais il faut reconnaître qu’ils manquent cruellement de temps. C’est pourquoi nous leur proposons de nombreux outils pour mettre à niveau leurs connaissances dans tous les domaines. Cela passe par des ateliers, des afterworks, des communications ciblées, des événements mais aussi des partenariats avec l’Université, les écoles et les Chambres consulaires. Nous avons quatre salariés dédiés aux questions d’emploi et de formation au sein du Medef. Ils font un travail remarquable et nous pouvons donc accompagner les chefs d’entreprises au mieux sur tous ces sujets.
Texte Anakaopress
Photos Pierre Marchal