Directeur régional de France Travail à La Réunion, Olivier Pelvoizin livre son analyse du marché de l’emploi et du secteur de la formation professionnelle sur l’île. Si le dynamisme est incontestable, il considère le regroupement des centres de formation comme indispensable pour répondre aux enjeux de demain. Interview.
Forma Mag : Comment se porte actuellement le marché de l’emploi à La Réunion ?
Olivier Pelvoizin : Au 1er trimestre 2025, le taux de chômage à La Réunion est en baisse, à hauteur de 16%. Il est surtout intéressant de noter que le secteur privé a créé plus de 600 emplois, notamment dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration, avec plus de 300 créations d’emplois, l’intérim ou encore l’agriculture. On note néanmoins une baisse des emplois créés dans le secteur public ainsi que dans des secteurs comme le BTP ou les services aux ménages.
Enfin, les chiffres de créations d’entreprises sont toujours aussi dynamiques avec près de 3 210 entreprises créées au 1er trimestre, principalement des entreprises individuelles.
Concernant la formation, le niveau de formation médian reste plus faible qu’au plan national. Un tiers des élèves sortent du système scolaire sans qualification.
Quelles sont les tendances et quelle analyse en faites-vous ?
Notre objectif doit toujours être de répondre aux défis de la société réunionnaise. Le premier, c’est de continuer à tendre vers l’autonomie alimentaire en développant la formation dans des secteurs comme l’agriculture et l’industrie. Il faut réconcilier les Réunionnais avec l’agriculture et mieux faire connaître les métiers de l’industrie. C’est essentiel.
Même s’il est actuellement en difficulté, le secteur du BTP va repartir grâce à de grands projets et il nous faut réarmer les compétences. Il y a notamment des compétences à développer en matière de verdissement des constructions ou en lien avec le vieillissement de la population. Au-delà de la construction, la rénovation est un aussi domaine d’activité clé pour le BTP.
Dans le secteur de la santé, nous devons continuer à développer les métiers du service à domicile. Le secteur de la logistique, notamment en lien avec le développement du port, va aussi avoir besoin de main d’œuvre.
De manière générale, l’île va mécaniquement continuer à créer des emplois privés. On peut donc raisonnablement espérer passer sous la barre symbolique des 15% de taux de chômage d’ici cinq ans.
Quels sont les secteurs dans lesquels les besoins en formation sont les plus prégnants ?
Le secteur Café-Hôtellerie-Restauration garde d’importants besoins en formation et en main-d’œuvre. Les domaines de la santé et l’action sociale également, auprès des personnes âgées mais aussi des jeunes enfants. Il y a enfin deux secteurs qui ont besoin de compétences plus spécifiques : le BTP pour tout ce qui concerne le verdissement des constructions, et l’industrie sur des profils de techniciens de maintenance.
Quel regard portez-vous sur le secteur de la formation professionnelle à La Réunion ?
Le secteur de la formation à La Réunion se singularise par un très grand nombre de centres de formation, souvent de petites tailles. Il y a également beaucoup de formateurs indépendants. A mon sens, le défi est de créer les conditions du regroupement afin que les centres de formation disposent des équipements, notamment les plateaux techniques, adaptés aux besoins du marché de l’emploi.
La période est complexe pour les centres de formation qui pouvaient encore récemment former massivement sans vraiment devoir rendre des comptes sur le taux de l’emploi à la sortie des formations. Ce n’est plus le cas. On ne peut pas se satisfaire d’un taux de retour à l’emploi de 20% ou 30% après une formation. Ils ne sont évidemment pas les seuls responsables et nous devons collectivement trouver des solutions.
Comment se positionne France Travail sur ce marché ?
C’est la Région Réunion qui dispose de la compétence formation à La Réunion. Nous travaillons donc en complémentarité avec la collectivité régionale. Pour schématiser, je dirais que la Région prend en charge les parcours longs et les compétences de base et que France Travail gère l’adaptation des compétences. Notre valeur-ajoutée, c’est d’être en amont et en aval des projets de formations.
Comment travaillez-vous pour que l’offre de formation soit adaptée aux besoins des entreprises ?
Nous mettons à disposition des acteurs un très haut niveau de données. Nous sommes un véritable observatoire de la formation à La Réunion. Cela permet d’orienter les décideurs, qu’il s’agisse de la Région mais aussi du Rectorat, vers l’offre de formation la plus adaptée aux besoins. Le tableau du taux de retour à l’emploi basé sur les embauches réelles après formation en est un exemple concret.
Les chefs d’entreprise doivent également venir vers nous et ne pas hésiter à faire remonter leurs difficultés d’embauche. Certains préfèrent vivre cachés mais en matière de Ressources Humaines c’est un mauvais calcul. Il faut faire connaître ses besoins et, parfois, faire évoluer ses pratiques pour mieux accueillir les nouveaux salariés.
Quelles évolutions souhaitez-vous voir dans le secteur de la formation professionnelle ?
Comme je le disais, il faut plus que jamais s’unir pour se développer. Le regroupement et les alliances, parfois même en « sautant la mer », sont la clé pour les organismes de formation. S’ils restent aussi divisés, il y aura inéluctablement une baisse du nombre de centres de formation.
Cette dynamique de regroupement permettra de moderniser l’appareil de formation, que ce soit au niveau des plateaux techniques mais aussi de certains modes de formations comme le 3D ou le distanciel.
Enfin, il y a un vrai potentiel à l’export dans la zone océan Indien pour nos organismes de formation, notamment à Madagascar et Maurice. Il y a des activités dans lesquelles l’excellence française est reconnue, comme les métiers de bouche ou la tech, et sur lesquels nos centres pourraient valoriser leur savoir-faire.

Photos Pierre Marchal
« L’île va mécaniquement continuer à créer des emplois privés. On peut donc raisonnablement espérer passer sous la barre symbolique des 15% de taux de chômage d’ici cinq ans. »
« Nous mettons à disposition des acteurs un très haut niveau de données. Nous sommes un véritable observatoire de la formation à La Réunion. »
« Le défi est de créer les conditions du regroupement afin que les centres de formation disposent des équipements, notamment les plateaux techniques, adaptés aux besoins du marché de l’emploi. »
« Il y a un vrai potentiel à l’export dans la zone océan Indien pour nos organismes de formation, notamment à Madagascar et Maurice. »